[chapo]L’Architecture d’Entreprise vise à faciliter le travail d’acteurs du système d’information, notamment dans leur relation avec le métier ou avec les équipes projet. La création de référentiels, la définition de scénarios de transformation et l’analyse d’impact sont au cœur de ce domaine généralement rattaché à la Direction des Systèmes d’Information (DSI). En France, elle est aussi nommée Urbanisation, du fait de l’héritage du passé, ce qu’illustre l’infographie ci-dessous.[/chapo]
Ce domaine a connu son heure de gloire et nombreuses sont les organisations en France à avoir lancé des démarches d’urbanisation. Il reste incontournable dans certains secteurs comme l’énergie, les utilities ou l’aéronautique où un standard comme TOGAF a encore tendance à se renforcer. C’est le poids de la sécurité, le règlementaire et la culture du processus qui dictent l’application de ces normes.
Cependant, la pression du Digital et le morcellement des actifs d’information ont mis à mal son hégémonie. Les outils, des plateformes comme Aris ou Mega, ont certes structuré le travail mais ont aussi pu l’engoncer dans un corset trop étroit. De nombreuses organisations n’ont jamais réussi à s’aligner à leurs contraintes.
L’urbanisation avait pour vocation de modéliser un monde en stabilisation. La dernière pierre d’un édifice dont l’objectif est l’industrialisation, la recherche de productivité, la réduction des coûts. Dans un contexte d’innovation, ce postulat devient dangereux. Il aboutit à nier l’ampleur des changements. Dans les DSI, l’urbanisation a étouffé l’innovation. Elle n’a pas su non plus faire sa révolution des usages (révolution évoquée dans notre livre blanc du SI Dynamique).
L’innovation va plus vite que nos organisations. Des acteurs plus jeunes, plus petits, plus « digital natives », savent la capter. Après tout on ne demande pas aux Rolling Stones de faire de la techno, n’est-ce pas ? Mais faut-il pour autant laisser perdurer des disciplines qui freinent les capacités d’adaptation des grandes entreprises ?
En fait, ce à quoi nous assistons aujourd’hui, ce n’est pas à la fin de l’Architecture d’Entreprise. C’est à la fin de l’urbanisation. Il faut rappeler que l’urbanisation a précédé l’EA. Au départ, les anglo-saxons ne proposaient rien. Nous, nous avions l’urbanisation. Quand les premiers cadres d’EA sont apparus outre-Atlantique, nous avons, en France, fait une pirouette : on a grosso modo changé l’étiquette. Ni plus ni moins. On a désigné Enterprise Architects ceux-là mêmes qu’on appelait jusqu’alors Urbanistes. Et on a très peu pris la mesure du réel impact de l’EA : son lien avec la stratégie.
Comme le montre notre schéma, le propre du concept d’urbanisation, c’est de tisser un lien entre métier et IT. La stratégie est globalement absente. On l’a ajoutée sous la pression de l’EA, mais dans les faits, c’est le parent pauvre. Le but est l’alignement métier du système d’information. On a bien fini ensuite par parler d’alignement stratégique, mais cela restait le rôle du CIO. Les Enterprise Architects pilotaient d’abord et surtout des équipes qui dessinaient des cartes et instruisaient des dossiers. La stratégie dans tout ça…
Pourtant avec la stratégie, un Enterprise Architect devient capable d’assurer la jonction entre Industrialisation et Innovation. Globalement, nous pensons aujourd’hui que son rôle est là.
Nous l’avons déjà écrit dans ces pages : l’architecte opère la jonction entre les deux mondes du Bimodal IT. L’Enterprise Architect, lui, prend le monde d’encore plus haut. Il imagine l’entreprise en dynamique, instruit des scénarios d’évolution qui mesurent les impacts d’innovations (telles que l’Intelligence Artificielle ou la Réalité Mixte) sur l’organisation, les processus ou les technologies. C’est une passerelle, un passeur, un lanceur d’alerte.
D’autant qu’il aura à l’avenir de moins en moins à se soucier de la liaison business – IT. Les organisations ont commencé une transformation où cette liaison va s’opérer d’elle-même, autour de la Data, des API ou de la Sécurité. Nous y reviendrons dans un prochain billet.
François RIVARD – Publié le 20 Septembre 2017