La Blockchain est un curieux concept qui ne cesse de se régénérer dès lors qu’on le croit battre de l’aile. Que ce soit la chute du bitcoin ou des cryptomonnaies, la fraude massive ayant profité d’une brèche d’Ethereum pour faire fuir des millions de dollars, l’incapacité à scaler et le gouffre écologique qu’elle représente aujourd’hui, personne ne songe pourtant à l’abandonner ou à décréter sa fin.
On sent même les scientifiques très sereins à l’idée de faire progresser cette technologie et, parmi la communauté scientifique, les économistes. Ceux-ci sont intéressés à promouvoir une alternative à la centralisation des données dont profitent aujourd’hui les géants du Web, pendant que les experts en cryptographies travaillent avec acharnement à proposer des algorithmes de consensus capables de réduire la facture énergétique.
Pour comprendre les raisons de ce décalage entre les informations mises à disposition du public et le dynamisme de la communauté, il faut s’intéresser aux deux concepts par lesquels la Blockchain trouve sa légitimité économique :
• La réduction du coût de vérification : puisque la Blockchain est infalsifiable, elle peut rendre des services immenses dès lors qu’il s’agit de vérifier une information. Il ne s’agit pas que de contrer les fake news. On imagine le gain de temps et d’énergie pour une entreprise qui fait certifier ses comptes ou répond à un contrôle fiscal (voilà une technologie très sympa pour les agents de Bercy). Parmi les premiers, EY a récemment acheté une solution logicielle capable de découvrir et d’introspecter les Blockchains d’une entreprise pour en accélérer le processus d’audit. Par ailleurs, c’est aussi dans le coût de vérification qu’on facilitera la preuve de la propriété d’un actif physique ou digital. Ethereum a beaucoup œuvré pour compter parmi ses membres des cabinets de juristes (on en dénombre 14).
• La réduction du coût de networking : il s’agit du coût d’utilisation d’un réseau, soit, grosso modo, le coût prélevé par un intermédiaire pour l’utilisation de ses services. Par exemple, dans une transaction financière, la banque joue un rôle d’intermédiaire et se rémunère au passage. Grâce à la décentralisation, la Blockchain réduirait le coût de networking dans tous les domaines (même celui de la publicité en ligne, pour une meilleure maîtrise des données personnelles). L’enjeu est de réduire le « Market Power » d’acteurs dominants et de modifier les équilibres en présence, soit ni plus ni moins que d’aller disrupter Google, Amazon et Ali Baba (entre autres), par la création de nouvelles plates-formes digitales, de places de marché, d’économies entières. Et comme ces acteurs prennent désormais trop de place, on comprend mieux pourquoi les économistes poussent à trouver des alternatives.
L’utilisation de Blockchains privées, internes à une entreprise, se concentre d’abord sur la réduction du coût de vérification. Plus simples à mettre en œuvre, plus « scalables », elles vont répondre à court terme aux besoins des entreprises en proposant un mode de stockage certifiant l’information contenue.
Le coût de networking, lui, est davantage impacté par la mise en place de Blockchains publiques. A moyen terme, c’est la recherche d’une réduction de ce coût, avec une technologie qui se consolide, devient scalable, moins énergivore, qui transformera profondément l’économie et redistribuera mieux les richesses.
Ainsi que nous l’avons écrit précédemment, la Blockchain est une General Purpose Technology (GPT), une technologie fondamentale, dont on a surestimé la rapidité à nous impacter à court terme mais dont on sous-estime encore le profond impact qu’elle aura sur nos vies à moyen terme. Une entreprise qui n’étudierait pas aujourd’hui quand, comment et pourquoi elle intégrerait une Blockchain risque de perdre du terrain sur ses concurrents et de rater d’importantes occasions de prendre du leadership.