[chapo]Comme je vous disais dans un article précédent « le défi de la transformation digitale », la transformation digitale est bel et bien en marche. Apparu il y a quelques années, le poste de Chief Digital Officer (CDO – Directeur de la stratégie Digitale) est un rôle « indispensable » pour piloter efficacement et rapidement la transformation digitale. Pour preuve, en seulement quelques années, 90% des entreprises du CAC 40 se sont offerts les services d’un CDO : Danone, Pernod Ricard, L’Oréal, AXA, LVMH, Carrefour… Quel est son rôle et ses leviers d’action au sein de l’organisation ? Quel rôle vis-à-vis d’une DSI en complète métamorphose ?[/chapo]
Le Chief Digital Officer, le pilote de ligne de la digitalisation !
La feuille de route d’un CDO est ambitieuse et les moyens associés sont souvent faibles comptes tenus de l’ampleur de la tâche ! Même s’il ne dispose pas de tous les leviers, son rôle d’expert du domaine lui confère une relation particulière avec la Direction de l’entreprise qu’il conseille, accompagne et tente de convaincre. Conscient des enjeux, certains grands comptes (Accor, Airbus, AXA, L’Oréal) ont ainsi décidé de faire siéger le CDO au ComEx lui conférant ainsi des moyens supplémentaires pour mener à bien sa mission. Pourtant les tâches ne se minimisent pas pour autant, un CDO est aux commandes pour :
- Définir la vision et les objectifs stratégiques,
- Evangéliser la culture digitale à l’ensemble des métiers et des collaborateurs,
- Faire évoluer les métiers et l’organisation,
- Piloter la réalisation des chantiers de transformation.
Pourtant, afin d’atteindre ses objectifs, un CDO doit fédérer et obtenir sur le long terme l’implication de l’ensemble des forces en présence (de toutes les directions) : Comité Exécutif, RH, marketing, communication, commercial, DSI… Son champ d’action est large et transverse à toute l’entreprise. Il est en quelque sorte un poste à la croisée des chemins entre l’IT, les Métiers et la Direction de l’entreprise.
Opérationnellement, le CDO s’entoure d’une équipe d’experts « locaux » (une sorte de relais locaux) dans toutes les directions pour s’assurer que les chantiers avancent et aboutissent conformément à la feuille de route et aux objectifs (respect des indicateurs de performances). À tout moment, le CDO a la capacité de réaligner les travaux ou de se fixer de nouvelles ambitions au gré des nouvelles tendances.
Selon le cabinet Gartner, un tel profil s’apparente à celui d’un « Ninja* » : un profil « vif » constamment dans l’expérimentation, à la recherche des meilleures innovations digitales (internes et externes). Ses préoccupations sont bien sûr orientées vers le client final mais également vers les collaborateurs dans un contexte où les technologies liées au Digital Workplace commencent à être suffisamment « mûres » pour lancer des projets au-delà de simples prototypes. C’est la conviction d’Astrakhan puisque nous lançons depuis plusieurs mois des chantiers autour de ces sujets et notre présence les 20 et 21 septembre au Symposium Gartner de Londres n’était évidemment pas un hasard ! Le CDO insuffle la dynamique de transformation à toute l’entreprise, il en est le pilote de ligne, le pilote le changement !
Quel rôle pour la DSI avec un CDO aux commandes ?
Même si les rôles de CDO & de DSI présentent des similitudes, ils restent complémentaires. Auparavant focalisé sur le Build et le Run, la DSI est en train de se transformer et s’adapter pour répondre au rythme du Digital ; une lutte pour préserver son rôle de « pivot » dans l’organisation.
Bonne nouvelle, la DSI est en route vers plus d’agilité et d’innovation ! En valorisant ses assets (API), en industrialisant ses processus de fabrication de bout en bout (DevOps), la DSI s’est progressivement familiarisée avec les pratiques agiles pour délivrer rapidement et surtout avec qualité de nouvelles initiatives aux métiers. L’IT « historique » cohabite de plus en plus avec l’IT « innovante », l’approche « Bi-Modal IT » est bien là !
Le Cloud est une aubaine d’innovation pour la DSI ! En le généralisant, la DSI fait le choix de déléguer certaines tâches à « faible valeur ajoutée » comme la gestion de ses architectures à des tiers IaaS (Infrastructure as a Service) ou PaaS (Platform as a Service) ou l’exploitation de logiciels SaaS (Software as a Service). Outre la réduction des coûts et la bascule des coûts d’investissement (CAPEX) vers des coûts d’exploitation (OPEX), le Cloud apporte une rénovation rapide du Système d’Information. Ainsi, la DSI peut se concentrer sur des tâches à plus « forte valeur ajoutée » : ouverture à un écosystème de partenaires/startups (services, API…) ou relance des activités de R&D internes et externes autour des technologies émergentes (exemple : Digital Workplace, objets connectés, intelligence artificielle…).
Pourtant, tout ceci n’est pas sans risque. On observe une dérive avec le phénomène de « Consumérisation IT ». Ce dernier s’accélère à mesure que la DSI tarde à s’adapter. Bon nombre de directions métiers lancent des projets en complète autonomie sur le « Shadow IT » sans mesurer les problèmes de sécurité et d’organisation qu’ils génèrent au sein de leur entreprise. C’est alors que les « Gardiens » (notion introduit par le cabinet Gartner) rentrent dans l’arène pour structurer les activités et les processus, assurer la gouvernance et garantir la cohérence d’ensemble du Système d’Information (A ce titre, je vous invite à lire l’article « Les architectes de systèmes d’information peuvent-ils réconcilier Digital et Système d’Information ? »). Demain, il est vraisemblable que ce phénomène s’accentue encore à mesure que la digitalisation s’opère… Finalement, les directions métiers continueront de lancer leurs projets avec en support une DSI métamorphosée, experte des nouvelles technologies et capable de délivrer rapidement des services « innovants ».
Si le CDO est le pilote de ligne de la transformation digitale, la DSI est son co-pilote ! Par définition, l’avenir d’un CDO est intimement lié à l’achèvement du plan de transformation. Ce rôle survivra-t-il demain dans sa définition actuelle ? Il est fort probable qu’il subisse une mutation pour se doter de fonctions et d’orientations différentes. Certaines entreprises ont d’ailleurs déjà fait le choix d’un rapprochement « Chief Digital Officer » et « Chief Marketing Officer » (exemple : Amélie Oudea Castera – CMO & CDO chez AXA Groupe). Faut-il y voir les prémices d’une mutation vers un poste plus opérationnel orienté vers le marketing et les données ?
*Par opposition au profil « Samouraï » qui serait plus dans le maintien opérationnel et la fourniture de projets en mode « industrialisés » (fiabilité et stabilité) ou encore au « Gardien » chargé de faire cohabiter ces deux populations.
Yann VERLYNDE – Publié le 17 Octobre 2016