Design Thinking? Lean Startup? Agilité? Autant d’approches innovantes que de manières de les appréhender. Aujourd’hui discutées, elles sont évoquées, sans relâche, à tort ou à raison, dans le monde de l’entreprise. Difficile pourtant d’associer à chacune d’entre elles une temporalité précise qui optimiserait leur application. Explications.
Design Thinking
Le Design Thinking fut conceptualisé comme méthode innovante par Peter Rowe en 1987. Il est le descendant direct du Brainstorming apparu dans les années 1950 et définit comme la résolution créative d’un problème.
Démocratisé dans les années 2000, la démarche consiste à observer avant de chercher des idées ou des solutions. Autrement dit, se concentrer sur le client pour essayer de le comprendre avant de concevoir un nouveau produit. Comment ? En allant sur le terrain, en rencontrant les utilisateurs, en s’immisçant dans leur monde. L’objectif de cette approche ethnographique est d’identifier les problèmes utilisateurs pour en tirer des solutions pragmatiques.
Le Design Thinking tend à valoriser l’humain grâce à une approche d’intelligence collective. Favoriser la divergence pour stimuler la créativité et générer des idées, puis encourager la convergence pour cadrer, prototyper et ajuster les solutions proposées.
Lean Startup
Le Lean management et ses principes ont vu le jour au Japon au début des années 1970 au sein des usines Toyota. L’objectif était alors de réduire au minimum la production de déchets durant le cycle de fabrication. Mais après avoir révolutionné l’industrie automobile, les principes du Lean se sont généralisés à plusieurs domaines, et notamment au développement IT. Le terme de Lean Startup est né en 2008, quand Eric Ries a plus largement étendu la démarche aux entreprises de la Silicon Valley.
Cette méthode fonctionne sur le principe du « Validated learning ». Il s’agit d’une boucle d’apprentissage et d’ajustement définie par trois composantes « Build, Measure and Learn ». La démarche consiste à lancer une offre minimum, appelé MVP « Minimum Viable Product ». L’expérimentation scientifique et le design itératif servent à le tester sur un marché et l’ajuster.
Le Lean Startup s’étend du démarrage de l’activité au lancement du produit. Les cycles de commercialisation sont réduits. Les progrès sont mesurés régulièrement et la priorité est donnée aux retours utilisateurs. L’itération est ainsi répétée avec l’objectif de trouver la meilleure idée à vendre.
Design Thinking et Lean Startup présentent un objectif commun : identifier les besoins pour y répondre au mieux. Pour déterminer les liens qu’elles entretiennent avec l’agilité, essayons de les comparer avec Scrum. Non pas qu’elle soit la plus agile des méthodes, mais parce qu’elle est de loin la plus connue et la plus utilisée dans les entreprises.
« La vie est trop courte pour construire quelque chose dont personne ne veut »
Nouvelle offre, nouveau produit, nouveau service. L’innovation est partout, tout le temps. Commercialiser ce dont personne ne veut est inconcevable. Scrum, Lean Startup et Design Thinking présentent en ce sens un objectif commun : éviter de livrer une offre en totale incohérence avec le marché. Autrement dit, satisfaire au mieux la demande avec un investissement minimal.
Pour cela, elles placent, comme Scrum, l’expérience utilisateur et les parties prenantes au centre de leurs préoccupations. Apprentissages et ajustements permanents, facilités par une progression cyclique et itérative, en sont les maîtres mots. Au sein des grandes entreprises, les trois méthodes s’avèrent aussi être d’excellents facteurs d’amélioration de l’existant.
Autant de points qui caractérisent Scrum et l’Agilité dans son ensemble. Et si la méthode Scrum et le Lean Startup sont devenues des « industries » très processées, le Design Thinking conserve une certaine liberté dans son utilisation et les pratiques et outils proposés.Mais la vraie différence réside surement dans le fait que les trois ne comblent pas le même besoin. Elles s’utilisent chacune pour répondre à une problématique précise. Et comme pour Scrum, l’application stricte d’une méthode non adaptée au contexte du projet ou de l’entreprise, est contre-productif. L’application des approches Lean Startup ou Design Thinking dans certaines entreprises ne font pas d’elles des entreprises agiles.
Design Thinking, Lean Startup, Agilité : quand les utiliser ?
Gérer un projet en agile, c’est innover dans chacune des phases projet. De la phase d’idéation à la phase de lancement, l’innovation se doit d’être une démarche holistique et contextualisée. Comme pour la méthode Scrum, l’application « pure player » du Design Thinking ou du Lean Startup, sans s’adapter à l’environnement projet, mène à l’échec. En ce sens, Gartner propose la combinaison ci-dessous pour optimiser l’application des diverses approches.
Certaines phases se prêtent davantage à l’application d’une approche précise : comme celle du Lean Startup au moment du lancement sur le marché. Pourtant, il est important de ne pas se restreindre à une temporalité stricte d’utilisation.
En réalité, les trois méthodes favorisent l’innovation à chaque phase du projet. Elles sont des réponses innovantes à des problématiques précises, il est donc essentiel de privilégier une démarche en fonction du besoin à l’instant T. Ainsi, il n’est pas contradictoire de les combiner dans une même phase projet pour bénéficier de leur complémentarité.
Prenons par exemple, un projet de type POC Big Data, mené à la Société Générale, dont le schéma ci-dessous résume l’utilisation de ces méthodes.
En phase d’idéation, le Design Thinking met en lumière les besoins non satisfaits par les solutions existantes.
La phase de développement se prête à la combinaison entre Design Thinking, Lean Startup et Agilité. Le Lean Canvas concrétise le business model, en définissant les segments de clientèles et les moyens à utiliser. Le Lean Startup est utilisé aussi pour analyser les besoins et les tendances. La méthode Scrum cadre la conduite du projet et l’équipe au quotidien. Enfin, le Design Thinking et son observation sur le terrain, font évoluer le développement en ancrant les produits dans la réalité des usages.
Il n’existe pas de cadre qui prédéfinisse l’application d’une démarche dans une phase projet précise.
Le Design Thinking génère une idée et des hypothèses.
Le Lean Startup valide et ajuste les solutions proposées, quand la méthode Scrum les matérialise techniquement.
La complémentarité des approches favorise l’innovation dans son intégralité, et ce, tout au long du projet.
Les conditions d’adoption du Design Thinking, du Lean Startup et de la méthode Scrum ne sont pas toujours optimales, voire parfois en contradiction avec les objectifs poursuivis.
Elles doivent être adaptées à l’environnement projet, à la culture d’entreprise et au traitement de la problématique à l’instant t.
Ce n’est pas l’utilisation mais bien l’application contextualisée de ces approches innovantes qui rend un projet objectivement agile.