La série de trois articles tirés du mémoire de Solène Nourry sur les entreprises libérées se poursuit.
Ce deuxième volet porte sur l’apparition des nouveaux modes de travail justifiée par les évolutions des attentes des salariés et notamment celles des Millenials.
Le terme Millenials, également appelés génération Y, est cité depuis quelques années dans tous les médias et désormais pris en considération dans le monde du travail. Il concerne les personnes nées entre 1980 et 1990. Toutefois, d’après William Strauss et Neil Howe, sociologues américains à l’origine d’études sur les générations, celle-ci court jusqu’en 2000.
Les caractéristiques de cette population peuvent justifier l’apparition de nouvelles formes de travail cherchant à s’adapter à leur fonctionnement et leurs attentes afin de pérenniser leur activité. « Ces entreprises cherchent à articuler une réponse à des attentes sociales (démocratie, liberté, autonomie, génération Y-Z) tout en répondant à des évolutions techniques et économiques. » 1
L’environnement a changé mais la nature humaine est-elle immuable ? Ou les Millenials sont-ils une espèce distincte ? Des études démontrent que cette population n’a de spécificités et que l’environnement serait à l’origine de la remise en cause du modèle classique.
Ainsi François Pichault et Mathieu Pleyers, dans leur étude menée en 2012, démontrent que les souhaits relatifs aux pratiques de gestion des ressources humaines (équilibre vie privée et vie professionnelle, reconnaissance au travail, etc.) restent communs à toutes les générations. « Nos résultats tendent à montrer que les particularités supposées de la génération Y sont minces, du moins en ce qui concernent les attitudes et valeurs au travail de ses membres. En revanche, ils nous rappellent que les fondamentaux de la GRH (sens au travail, équilibre vie privée/vie professionnelle, reconnaissance, etc.) continuent à rester des préoccupations partagées par l’ensemble des générations… » 2
Leur tableau des caractéristiques recherchées par la génération Y et des mesures que l’organisation doit appliquer afin de les satisfaire nous permet de faire un parallèle avec les différentes caractéristiques propres à l’entreprise libérée. Ce modèle serait donc une réponse à leurs attentes.
Jean Pralong, psychologue, professeur et chercheur français en gestion des ressources humaines, fait la même constatation dans une enquête menée en 2009. 3 Il démontre que les schémas cognitifs de cette génération ne diffèrent pas de ceux des générations précédentes dont les attentes restent à l’heure actuelle similaires. L’entreprise n’est plus source de revenu mais « un lieu de développement personnel, d’apprentissage et de promotion sociale que l’on abandonnera sans regret si elle ne satisfait pas à ces exigences. » La structure de l’entreprise dite « classique » ne peut donc pas s’adapter selon ces justifications à leurs désirs et va être contrainte de revoir son organisation afin de les attirer. L’entreprise va devoir prendre en compte ce facteur sociétal et modifier ses pratiques managériales. La libération des pratiques de GRH mais aussi de toute l’organisation semble être une solution pour innover et rester concurrentiels sur le marché du travail.
De son côté, François Geuze, consultant RH et auditeur social, justifie le besoin de libération des organisations comme une réponse à l’a priori négatif des français à l’égard de l’entreprise. L’entreprise libérée « répond au « besoin d’air » qu’éprouvent nombre des salariés face à des prescriptions de plus en plus contraignantes et une charge de travail de plus en plus stressante. » 4
Les termes du contrat sont plus lourds de conséquences et d’engagement dans les entreprises libérées. La structure est aplatie, le leader libérateur prône la liberté, délègue le pouvoir et permet aux salariés de prendre la main sur la stratégie. Si l’organisation en arrivait à limiter ces acquis, l’incompréhension s’installerait et le climat social s’en verrait dégradé. Les termes doivent donc être réfléchis en amont selon le fonctionnement que l’on souhaite, être clairement énoncés et respectés.
D’après Richard Widdowson, associé chez Hay Group, « les entreprises doivent veiller à ce que les conditions de travail ne soient pas un frein à la motivation et à l’engagement de leurs salariés, mais au contraire, les stimulent. C’est en parvenant à relever les cinq défis que sont la transparence, la culture d’innovation, la productivité, l’agilité et la collaboration qu’elles pourront créer les conditions de réussite et maintenir le niveau d’engagement de leurs salariés. » 5
Les entreprises libérées répondent de par leurs caractéristiques à ces cinq défis. Elles peuvent donc être une potentielle solution à la satisfaction du personnel et au développement de l’organisation.
1 P. Gilbert & al., (2017/56) « L’entreprise libérée » : une analyse de la diffusion d’un modèle managérial, revue internationale de la psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, (Vol. XXIII), p.208
2 F. Pichault, M. Pleyers, (2012/2), Pour en finir avec la génération Y… enquête sur une représentation managériale, p.40, Annales des Mines, Gérer et comprendre n°108
3 J. Pralong, 2009, La « Génération Y » au travail : un péril jeune ?, XXe Congrès de l’AGRH, Toulouse
4 F. Geuze, 2015, La part d’ombre de l’entreprise libérée, p.3, site internet e-rh.org
5 https://www.lemonde.fr/emploi/article/2015/04/17/recherche-motivation-des-salaries_4618328_1698637.html