L’Agilité en 2020 : êtes-vous sûr d’avoir tout compris ?

L’Agilité en 2020 : êtes-vous sûr d’avoir tout compris ?

Date de publication : février 1, 2020

L’Agilité : 30 ans qu’on en parle ! Mindset libérateur pour les uns, méthodologie contraignante pour les autres, évidence humaniste ou pari incertain, quand certains l’adorent, d’autres la déplorent. Mais au juste, que vous l’aimiez ou la blâmiez, êtes-vous sûr de bien la connaître ?

A mesure qu’elle est diffusée, une théorie court toujours le risque d’être déformée, simplifiée, voire idéologisée. L’objectif de cet article est d’échapper tant aux folles espérances qu’aux tristes déconvenues qui entourent le management agile, pour proposer une voie médiane. Sobre et lucide.

L’impossibilité de trouver des solutions devrait toujours nous conduire à ennoblir les problèmes. C’est pourquoi nous vous proposons ici de reprendre la question du management à partir de quelques fondamentaux destinés à mieux mettre en perspective l’originalité de son versant agile.

Solène Nourry est Responsable Ressources Humaines chez Astrakhan. Elle s’est intéressée dans le cadre de ses travaux au sujet des entreprises libérées et plus particulièrement les pratiques de GRH adoptées en fonction des caractéristiques du modèle. En effet, la libération s’inscrit dans un courant de pensées qui remet en cause ouvertement les théories d’organisation du travail de l’école classique et vise à remettre l’humain au cœur des enjeux auxquels sont confrontés les organisations.

Solène est venue nous interroger en 2018 pour comprendre ce qui avait poussé Astrakhan à adopter en 2015 un modèle libérateur et en connaître les avantages et inconvénients.

Dans ce premier article, Solène apporte des explications de l’émergence du modèle de l’entreprise libérée au vu de son environnement.

Les attentes des salariés évoluent. Ils éprouvent le besoin de sortir des formes hiérarchiques classiques dites pyramidales. Les nouvelles générations sont régulièrement citées comme une population exigeante, souhaitant donner un sens à leur travail. On parle alors de consumérisation de la relation de travail qui pousse à considérer les salariés comme des clients. Les organisations s’adaptent et prônent désormais les modes de travail collaboratifs. Une course à l’agilité de la part des entreprises s’installe. Ainsi la gestion de la performance se fait en continue et les évaluations au fil de l’eau. Les rythmes des évolutions technologiques ne sont plus les mêmes. Celles-ci vont plus vite que l’adaptation des utilisateurs, l’utilisateur va plus vite que les organisations, le cadre du travail va moins vite que les organisations.

Facteurs de contingence

L’école de la contingence se définit comme « un ensemble d’auteurs qui se sont donné pour objectif d’expliquer la variété des organisations par la variété des environnements dans lesquels elles évoluent. » [1]Nous allons tenter de transposer les caractéristiques générales des entreprises libérées à ces facteurs de contingence pour comprendre leur organisation.

L’un des premiers facteurs porte sur l’âge et la taille des entreprises. Il s’avère que le choix des organisations de se libérer s’est fait récemment, il y a moins de 10 ans pour la plupart. De ce fait, la culture d’entreprise peut y être moins marquée et les usages moins présents. Il s’agit majoritairement de petites et moyennes entreprises composées de moins de 200 salariés. Le formalisme et le besoin de structure y sont donc moins importants et la possibilité de former des groupes de travail autonomes plus facile. Nuançons tout de même sur le fait que certaines grandes entreprises ont réussi à former des petits groupes auto-organisés. Le fait est que malgré la taille, le nombre de salariés concerné ne doit pas être trop important pour permettre cette gestion auto-organisée.

Vient ensuite le facteur de l’environnement. Nous avons vu précédemment que l’entreprise libérée peut être qualifiée d’organisation organique. Les entreprises font face à un marché très concurrentiel, les clients deviennent de plus en plus exigeants et ont le choix. Les attentes des salariés évoluent, leur environnement est donc instable et imprévisible. Burns et Stalker (1961) démontrent que plus l’environnement de l’entreprise est instable plus son choix d’organisation doit porter sur la forme organique pour s’adapter, être flexible et survivre. Trois modèles de technologies sont distingués : la production en grande série, la production unitaire et la production en continu. Elles n’imposent pas toutes le même niveau de compétences détenues par les salariés. Les entreprises libérées sont le plus souvent catégorisées dans les deux dernières. Elles doivent donc privilégier une organisation organique. Les entreprises concernées évoluent dans un secteur d’activité complexe qui demande aux salariés de mobiliser une expertise importante et un bon relationnel. « Lorsque les qualifications sont élevées, la formalisation est non seulement moins nécessaire, mais elle est également plus combattue par les salariés auxquels elle doit s’appliquer.» [2]

Enfin le domaine institutionnel peut contraindre ou, au contraire, aider les organisations à se transformer dans un modèle donné. Ainsi, le code du travail, la représentation syndicale, la loi de finance et autres obligations fiscales sont autant de facteurs qui les influencent et les poussent à formaliser leur organisation. Nous l’avons vu, les entreprises souhaitant prendre le chemin de la libération sont pour la plupart de petite taille. La représentation syndicale est donc limitée et la gestion des RH plus individualisée. De plus, l’évolution sociétale amène à de nouveaux besoins des salariés. La culture nationale se modifie et tend vers des organisations moins formalisées donc organiques.


[1]Grasser B., Noël F., (2017), Ressources Humaines, p.39

[2]Grasser B., Noël F., (2017), Ressources Humaines, p.39