Un état des lieux de l’Agilité (4/4) : vers l’intelligence sociale et collective

Un état des lieux de l’Agilité (4/4) : vers l’intelligence sociale et collective

Auteur : François Rivard - Date de publication : avril 15, 2019

Nous avons parlé dans nos précédents articles des difficultés liées à la pratique du management et du coaching agiles.

Nous concluions par deux principaux enseignements :

• Le rôle de coach agile est certainement très valorisant sur le plan individuel, mais revient à perpétuer une culture du super-héros qui entre parfois en conflit avec la culture de l’entreprise,

• L’évolution des organisations vers davantage d’agilité ne saurait se faire par la pratique ponctuelle de ce mode de coaching mais par des prises de conscience large, dans la durée et indépendante des individus.

Pour enfoncer le clou, on ajoutera que, s’il faut tisser des parallèles avec ce qui se passe sur le plan des technologies et de leur évolution (la Blockchain en l’occurrence), la tendance est davantage à la suppression des intermédiaires qu’à leur maintien et ce, pour les mêmes raisons : un intermédiaire acquiert toujours trop de pouvoir au détriment du groupe.

Le partenariat des intelligences

Et ce parallèle peut se poursuivre avec le développement de l’Intelligence Artificielle, qui alimente tant de fantasmes, dont celui de la singularité : l’intelligence des machines sera un jour supérieure à celle des humains et celles-ci finiront par nous contrôler et nous remplacer.

Cette croyance est basée sur le principe de linéarité de l’intelligence. Il stipule que l’intelligence va croissante selon un système de progression qui irait des organismes les plus élémentaires jusqu’à l’homme, qui occuperait aujourd’hui le sommet de la pyramide, en passant par, entre autres, les bactéries, l’écureuil, le chien, le dauphin et les chimpanzés, selon la théorie de l’évolution. Les machines finiraient par prendre le sommet de cette chaîne.

A bien des égards, cette théorie est contestable. Un écureuil se souvient avec précision de tous les endroits où il a rangé des glands, prouesse de mémoire qui n’est pas à la portée du commun des mortels. On ne prétendra pourtant pas que l’écureuil est plus intelligent que l’homme. 

L’intelligence n’est pas linéaire et il existe différents types d’intelligence. La machine nous surpassera sur certains points et nous la dépasserons sur d’autres. L’intérêt de l’intelligence artificielle réside dans les collaborations qui vont naître entre homme et machine pour nous permettre d’accomplir mieux certaines tâches, ce qui est depuis longtemps notre mode de consommation de la technologie. Et c’est cette capacité à accepter ces nouvelles collaborations qui définit le mieux l’intelligence collective.

Une définition de l’intelligence collective

L’intelligence collective se renforce aussi par une meilleure collaboration entre humains. Comment la définir ? Il ne suffit pas d’avoir des gens très compétents dans un groupe pour avoir un groupe performant. Des travaux de recherche menés au MIT ont ainsi mis en évidence que le critère d’intelligence sociale est déterminant. On pourrait définir ce critère comme de l’empathie. Il consiste à savoir se mettre à la place d’autres membres du groupe et à anticiper leur réaction émotionnelle aux situations rencontrées pour mieux agir en conséquence.

Il est intéressant de constater que cette qualité n’est pas liée à la présence des membres du groupe dans le même espace. Des tests ont été menés, et les groupes faisant preuve d’une intelligence sociale élevée obtiennent les mêmes résultats en présentiel et en distant. La nécessité de colocaliser une équipe pour la rendre plus performante, à laquelle les agilistes sont très attachés, et qui permet et justifie en même temps la présence physique d’un coach, serait erronée.

A contrario, l’enjeu serait de savoir développer l’intelligence sociale parmi les membres d’un groupe, sachant par ailleurs que les femmes disposent d’une intelligence sociale plus élevée que leurs homologues masculins et que s’inspirer de leur approche pourrait constituer un moyen d’élever l’intelligence sociale d’une organisation.

Le futur de l’agilité

Le futur de l’agilité ne peut pas résider pas dans la dépendance au coach. Peut-être n’y a-t-il pas d’autre façon de procéder aujourd’hui que de faire travailler des dizaines, voire des centaines de coachs, qui vont se pencher sur une organisation et tenter de la faire évoluer, bien souvent de manière individuelle, sans concertation, sur la base de leurs expériences respectives.

Parfois des collectifs de coaches se mettent en place, et c’est déjà un progrès, mais cela ne peut constituer le futur d’une organisation, et encore moins celui de l’agilité. L’entreprise ne peut pas considérer son retard organisationnel comme un élément structurel.

Le futur de l’agilité devrait d’abord s’anticiper au niveau des ressources humaines et de l’éducation, ce que l’on appelle le « lifelong learning », l’apprentissage permanent tout au long de la carrière et de la vie. Cela ne concerne pas uniquement les compétences techniques mais aussi les soft skills, parmi lesquelles l’acceptation de la permanence du changement.

Le futur de l’agilité, c’est anticiper, comprendre et accepter le futur de la société, le futur de l’entreprise et le futur de la technologie.