[chapo]« Je suis une Instagram addict », « Il est 24h/24h sur Snapchat », « La première chose que je fais au réveil c’est checker mes mails ». Ces verbatim vous sont probablement familiers, n’est-ce pas ? Ne nous voilons pas la face, nous sommes accros ! Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter, Tinder, Pinterest… Toutes ces entreprises ont compris, bien avant les autres, la puissance de la formation des habitudes.[/chapo]
Dans son livre HOOKED, Nir Eyal explique que ces entreprises ont incrusté dans leurs produits ce qu’il appelle un ‘HOOK’ (hameçon). Le ‘HOOK Model’ est un processus de construction d’habitudes en 4 étapes. Si le produit arrive à faire répéter plusieurs fois à l’utilisateur le ‘HOOK cycle’, alors le graal est atteint : l’utilisation du produit devient une habitude c’est-à-dire un comportement réalisé avec peu ou aucune pensée consciente.
Les 4 étapes du HOOK cycle sont : le trigger (déclencheur), l’action, la récompense variable et l’investissement.
HOOK Model @Nireyal
Trigger
Les triggers donnent le signal à l’utilisateur pour faire une action. Il existe deux types de triggers :
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Les triggers externes
Ils annoncent à l’utilisateur l’action à faire en plaçant l’information dans son propre environnement. Exemple : un bouton ‘Login Now’, une notification push sur le téléphone, un email, un sms… Les triggers externes constituent uniquement une première étape. L’objectif ultime des triggers externes étant de propulser les utilisateurs dans le HOOK model.
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Les triggers internes
Après plusieurs cycles successifs, plus besoin d’incitation de la part des triggers externes. Une fois que les utilisateurs ont formé des habitudes, les triggers internes entrent en jeu. Contrairement à un trigger externe qui utilise une stimulation sensorielle, le trigger interne ne peut ni être vu, ni touché ni entendu.
Quand un produit devient fortement couplé à une pensée, à une émotion ou à une routine préexistante, le produit tire profit d’un déclencheur interne. Les émotions, particulièrement les négatives, sont des triggers internes puissants influençant fortement nos habitudes journalières. Que faites-vous quand vous avez un sentiment d’ennui ? Vous regardez YouTube, non ? Et si c’est plutôt un sentiment de solitude ? C’est certainement Facebook ou Twitter. Un sentiment d’incertitude ? Ce sera une navigation Google.
Toutefois, l’association entre un déclencheur interne et le produit ne sera pas faite du jour au lendemain. Et c’est bien là le nerf de la guerre. D’où l’importance de comprendre et connaitre profondément les émotions des utilisateurs.
Action
Rappelez-vous qu’une habitude est un comportement fait avec peu ou sans pensée consciente. Par conséquent, une fois le trigger déclenché, l’action doit être la plus simple possible pour qu’elle ait lieu. Afin que l’utilisateur passe à l’action, 3 paramètres sont nécessaires : la motivation, la capacité et le trigger.
Si un des paramètres de la formule est absent ou insuffisant, l’utilisateur ne franchira pas le pas et le comportement n’aura pas lieu. Ce modèle relativement simple est appelé le Fogg Behavior Model. Il tient son nom de DR. BJ Fogg, directeur du laboratoire des technologies persuasives de l’université Stanford.
Pour bien expliquer ce modèle, je vais reprendre l’exemple utilisé par Fogg et décrit également dans le livre HOOKED.
Imaginez le moment où votre téléphone mobile a sonné mais où vous n’avez pas répondu. Pourquoi ? Peut-être, le téléphone était-il bien caché au fond de votre sac et donc difficile d’accès. Dans ce cas, votre incapacité à répondre rapidement au coup de téléphone a inhibé l’action. Votre capacité était limitée. Vous avez peut-être pensé que la personne qui appelle était un de ces vendeurs par téléphone ou une personne à qui vous ne vouliez pas parler. Votre manque de motivation vous a influencé pour ignorer l’appel. Il est possible que l’appel fût important et que votre téléphone fût accessible mais mis sous mode silencieux. Même si votre motivation était forte et que l’accès à votre téléphone était facile, vous avez manqué l’appel parce que vous n’avez jamais entendu la sonnerie. Le Trigger n’était pas présent.
Récompense variable
Dans cette troisième phase du modèle HOOK, il est temps de récompenser l’action de l’utilisateur pour l’inciter à recommencer. Pour éviter tout sentiment de lassitude, la récompense doit être variable c’est à dire basée sur une surprise permanente. Un sentiment d’attente est ainsi créé.
Il y a 3 catégories de récompenses :
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Récompenses de la tribu
C’est la recherche des récompenses sociales en se connectant à d’autres personnes. Le meilleur exemple sont les réseaux sociaux. Prenons le cas de Facebook. En se connectant l’utilisateur est intrigué, il ne sait pas à l’avance sur quoi il va tomber. Combien de ‘Like’ a récolté sa dernière photo postée ? Combien de commentaires sur son dernier partage ? Le nombre de ‘like’, de commentaires, de partages crée un sentiment de reconnaissance sociale valorisante qui motivera l’utilisateur à poster encore et encore.
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Récompense de la chasse
L’homme a toujours chassé. Autrefois, il chassait les animaux. Aujourd’hui c’est plutôt la chasse aux informations. Scroller jusqu’à l’infini dans Twitter ou Pinterest pour trouver la bonne information est un exemple de cette catégorie de récompense.
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« Self’» récompense
C’est la recherche des récompenses intrinsèques de maitrise, de compétence et d’accomplissement. L’addiction aux jeux vidéo illustre parfaitement ce type de récompenses. Prenons l’exemple d’un joueur de Pokemon Go ou Angry Birds. Ce qui le motive ce n’est pas la récompense matérielle mais bien le sentiment d’accomplissement, de maitrise et du dépassement de soi.
Investissement
C’est bien connu, plus on se donne du mal pour réaliser une action, plus on lui attribue une grande valeur car elle a exigé un effort de notre part. C’est l’effet Ikea ! Imaginez que vous avez deux meubles pratiquement identiques mais que par manque de place vous devez vous en séparer d’un. Sachant que vous avez-vous-même monté l’un et que l’autre vous a été livré entièrement assemblé. Lequel conserverez-vous ? L’expérience montre que vous allez certainement garder le meuble que vous avez assemblé de vos propres mains. Ce meuble a plus de valeur à vos yeux car vous vous êtes donné du mal et vous avez réussi à le monter.
Pour Terminer, le ‘HOOK model’ est-ce une recette de manipulation?
C’est une question que vous allez certainement vous poser en découvrant le HOOK model. Pour répondre, je reprendrais la conclusion de Nir Eyal. En tant qu’utilisateur/consommateur, comprendre comment on devient accros peut nous aider à sortir du cercle vicieux des habitudes indésirables installées dans notre vie. En tant que Product designer, inventeur ou entrepreneur, nous pouvons tirer profit de la force de la formation des habitudes pour aider les personnes à vivre mieux, en meilleure santé, à être plus productives …
Sophia HAFYANE –Publié le 31 Mai 2017