L’écoconception a 20 ans, on en parle ?

L’écoconception a 20 ans, on en parle ?

Auteur : Cyrille SANNIER (Directeur des Opérations chez Astrakhan) - Date de publication : janvier 27, 2022

L’ADEME, l’Agence de la Transition Écologique, nous apprend que le concept d’écoconception  a émergé en 2002 au niveau international lors de la parution d’une belle norme au doux nom d’ISO/TR 14062, dans laquelle il était écrit qu’elle avait pour objectif d’intégrer des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits.

Nous y voilà, les fondements étaient posés !

Mais donnons un peu de contexte historique avant de parler d’écoconception : en 2002, la bulle internet était juste derrière nous, et Amazon devenait pour la première fois de sa courte histoire enfin rentable, en dépassant le milliard de dollars de vente sur sa plateforme e-commerce mondiale.

Aujourd’hui, 20 ans plus tard, le chiffre d’affaire d’Amazon s’établit à plus de 110 milliards de dollars et les énormes bénéfices qui en découlent ne sont plus uniquement liés à cette plateforme e-commerce mais à son Cloud, AWS, qui occupe plus de la moitié de ce chiffre.

Bien sûr, les petits copains du Cloud comme Microsoft Azure, Google Cloud Platform, IBM Cloud, ne sont pas en reste, avec les Cloud chinois comme Alibaba, Baidun ou encore Tencent qui montent en flèche.

Gartner estime qu’en 2022, le Cloud public pèsera pour 400 milliards de dollars, et si on tient compte de l’intégralité du Cloud, on atteindra les 1000 milliards de dollars.

S’il était encore nécessaire de poser tous ces chiffres pour comprendre l’ampleur qu’a pris le Web en 20 ans, à la fois dans notre vie personnelle comme dans notre vie professionnelle, cela ne suffirait pas à décrire la frénésie de consommation numérique mondiale.

Cette frénésie n’est pas que celle du monde, des autres, elle est aussi la nôtre : vous comme moi, là où nous avions un ordinateur il y a 20 ans, nous avons aujourd’hui à notre domicile un ou plusieurs laptops, des tablettes, des téléphones mobiles, et parfois des objets connectés de toute sorte dont le nombre ne cesse d’augmenter : un téléviseur, une sonnette de portail, une prise électrique, des ampoules ou encore un baby phone.

La Covid-19 étant aussi passé par là, le télétravail a pris une place de plus en plus importante dans notre vie, et nous avons dû parfois nous équiper pour cela, en achetant une imprimante ou encore un deuxième écran, pour ne pas perdre nos yeux en plus de notre vie sociale.

Le baromètre du numérique publié sur le site du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance nous indique que :

● Rien qu’en France, plus de 8 personnes sur 10 (84%) ont un smartphone : c’est +7% en une année

 

● Plus d’une personne sur 2 est équipée d’une tablette (56%) : c’est +14% en une année

Le multi-équipement en terminaux permettant d’accéder à Internet concerne 73% des Français (+5% pour 3 équipements)

Le numérique nous est devenu tout bonnement indispensable : nous, comme particuliers, avec à la fois nos achats d’équipements numériques, et la consommation que nous en faisons, mais aussi nos entreprises, qui ont engagé une transformation digitale dans la course à l’efficacité concurrentielle.

Le numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre

Cette consommation d’équipements et cette utilisation du numérique ont un impact devenu particulièrement évident sur notre planète, sur ses ressources et plus précisément sur l’empreinte carbone et la concentration en gaz à effet de serre.

Le numérique représente aujourd’hui :

 

● 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En comparaison, c’est le double du transport aérien. Et ce chiffre va sans doute doubler d’ici à 2025 !

● 10% de la consommation électrique mondiale

Nous avions initialement tendance à penser que la digitalisation nous rendait plus « green », et que si nous lisons la presse en numérique, cela évite de couper des arbres … Mais ce n’est pas aussi simple, et il est urgent que l’homo numericus se rende compte de sa consommation et de son impact environnemental inconsidéré et incontrôlé.

Je rappellerai très rapidement et pour schématiser que l’effet de serre est un phénomène naturel qui nous a toujours protégé en garantissant sur Terre des températures viables mais l’activité humaine, en les augmentant fortement, dérègle de plus en plus le climat et les effets catastrophiques risquent de s’accélérer, frappant à notre porte pour nous ouvrir les yeux, si nous détournions encore le regard.

Et si vous pensez que le dérèglement climatique va juste nous permettre d’enlever nos pulls pour rester en t-shirts à siroter des cocktails, je vous invite à regarder cette courte vidéo :

Nous savons maintenant que de nombreux facteurs contribuent à augmenter les gaz à effet de serre, mais intéressons-nous aux facteurs liés au numérique.

Pour comprendre l’impact du numérique sur l’environnement, il faut retenir qu’on identifie 3 sources principales de pollutions numériques selon l’ADEME :

1. Les terminaux numériques

De leur chaine de fabrication, qui consomme une grosse quantité d’énergie fossile, en passant par l’assemblage qui se passe bien évidemment à l’autre bout du monde, et lors de leur transport jusqu’aux lieux de vente : l’impact carbone des équipements numériques est énorme. A eux seuls, ils représentent 47% des gaz à effet de serre.

2. Internet

Le maillage nécessaire à une connexion internet passe par de multiples réseaux câblés, et une bonne partie est sous-marine, tapissant le fond des mers sur des centaines, voire des milliers de kilomètres. La mise en place de ces câbles mais aussi la maintenance des réseaux, consomment une énergie importante. Les infrastructures réseau, représentent 28% des émissions de gaz à effet de serre de la consommation numérique.

3. Les Data Centers

Toutes nos données, personnelles comme professionnelles, passent par des Data Centers : nos documents, nos emails, nos photos et nos vidéos. Et ils ont besoin de beaucoup d’électricité pour faire fonctionner des centaines de serveurs et les climatisations qui vont avec. Et cette électricité est en très grande majorité produite par des centrales à charbon (si on exclut la France dont l’électricité provient avant tout du nucléaire). Les Data Centers représentent 25% des émissions de gaz à effet de serre issus du numérique.

Une fois ces chiffres sous nos yeux, il nous faut tous agir, et notre éco-responsabilité à tous, nous les acteurs du numérique, commence par faire converger transformation digitale et transition écologique.

Agir, c’est intégrer le numérique responsable dans notre quotidien professionnel

Je ne vais pas entrer ici dans une explication du bilan carbone, ou des bilans GES que doivent réaliser les entreprises, mais pour identifier les leviers d’actions, comme toujours, il vous faudra mesurer votre empreinte carbone.

Mais d’ores et déjà, vous pouvez et devez orienter vos projets digitaux vers la sobriété numérique : cela ne signifie pas en faire moins, mais faire autant ou mieux, avec moins.

Intégrez systématiquement l’écoconception dans vos projets pour vous approcher au mieux de la sobriété numérique

Concrètement, pour limiter votre empreinte environnementale pour la création d’un site internet et/ou d’une application mobile, il faut viser des actions sur les leviers suivants :

Les terminaux eux-mêmes : les ordinateurs de vos utilisateurs, les smartphones de vos mobinautes

● Leur durée de vie, que ce soit pour les équipements clients ou pour les serveurs qui hébergeront votre site

La durée de visite de vos utilisateurs

Le type de connexion internet nécessaire

Ces 4 leviers sont à prendre en compte dans votre écoconception pour agir sur les 3 facteurs de pollutions numériques identifiés précédemment.

Dans l’écoconception numérique, comme pour toute écoconception d’un produit ou d’un service, il faut intervenir sur l’ensemble des étapes du cycle de vie.

Les 4 leviers sont donc à prendre en compte sur le cycle de vie du site ou de l’application, que ce soit en agile ou en cycle en V.

Et là, la loi de Pareto nous éclaire une nouvelle fois pour discerner l’essentiel de l’accessoire : il est nécessaire d’optimiser ce qui aura le plus d’impact.

L’amont

80% des gains en réduction d’impacts environnementaux que nous pouvons obtenir ont lieu ici, avant la phase de réalisation. Il vous faudra donc vous attarder particulièrement sur l’ensemble de la conception de votre applicatif : du besoin métier aux templates graphiques.

« Le design est une méthodologie de résolution de problèmes qui permet de piloter l’innovation, développer la réussite des entreprises, menant à améliorer notre qualité de vie »


Définition du Word Design Organisation

Quelques pistes méthodologiques pour l’écoconception :

Soyez User Centric. 70% des fonctionnalités ne sont pas, ou peu, utilisées : faites le ménage et conservez les fonctionnalités essentielles à l’utilisateur.

Pensez Green UX : optimiser au maximum les parcours utilisateurs afin de réduire le nombre d’écrans, et les temps de parcours inutiles des internautes.

Keep It Simple & Stupid : moins votre site sera complexe, moins il rejettera de CO2

Mobile First : designer pour le mobile oblige à optimiser l’efficacité des interfaces

Innover : l’ensemble des intervenants des phases de conception doivent tenir compte des contraintes techniques ; ils ne doivent pas concevoir un dispositif qui sera couteux en ressources machines, ou en échanges client-serveur. Des contraintes naissent l’innovation.

Factorisez : ne refaites pas ce qui a déjà été fait par d’autres au sein de votre société. Mettez en place un Design System

Modularisez : utilisez une architecture modulaire, cela permettra de n’utiliser que les ressources utiles (micro-services, …)

● Accessibilité : un dispositif pensé accessible (RGAA) permettra d’optimiser l’expérience utilisateur, en simplifiant notamment la structure des données. Simplifier ici, c’est améliorer l’inclusivité

Le code

Même si ce n’est pas la phase sur laquelle on peut avoir un gain d’impact le plus important, ce n’est pas à négliger. L’optimisation du code permettra de réduire la consommation énergétique.

Quelques pistes :

Optimisez : développez des algorithmes optimisés

● Compressez : Utiliser la compression sur les échanges réseaux,

Déplacez : favoriser les traitements côté serveur pour éviter de faire transiter des quantités importantes de données non triées

Libérez : favoriser le libre en réutilisant des briques logicielles

● Analysez : utilisez des outils comme Sonarqube pour auditer votre code et vous pourrez mesurer sa maintenabilité, trouver le code inutilisé, repérer le code dupliqué, etc.

Inspectez les performances de vos pages web : utilisez les outils proposés vos navigateurs préférés. Firefox, Chrome ou Safari vous permettent d’inspecter finement le trafic réseau engendré par une page, le nombre de requêtes http ou le poids des images

Calculez directement vos émissions en installant l’extension de Green-IT (Chrome ou Firefox only) : vous obtiendrez directement un Ecoindex ou des estimations de Gaz à effet de serre

Gérez vos gestionnaires de versions en n’y stockant que l’utile (pas de binaires, de fichiers compilés, …)

L’aval

Toute la partie hébergement d’un projet digital peut avoir un impact conséquent sur l’environnement, sur le réchauffement climatique. Là aussi, nous pouvons avoir la main, et orienter nos choix vers plus de sobriété numérique.

Quelques pistes :

● Si vous en avez la possibilité, il faut bien sûr privilégier des hébergeurs labélisés en termes d’éco-responsabilité, qui s’engagent parfois à donner une deuxième vie à leurs serveurs permettant ainsi d’allonger leur durée de vie. « Code of Conduct », « Certificat d’Énergie Renouvelable »

● Si vous êtes dans le Cloud, sachez que Amazon ou Microsoft, vous propose des outils pour suivre et maitriser votre consommation. Azure propose ainsi un tableau de bord des impacts carbone, calculé sur une méthodologie en 3 scopes.

Favoriser la virtualisation pour limiter l’utilisation de serveurs physiques

Il existe encore de nombreuses pistes d’optimisation de vos dispositifs digitaux pour les rendre éco-responsables, mais la principale et la plus certaine est avant tout votre prise de conscience du réchauffement climatique et de l’impact croissant du Numérique sur celui-ci.

Ecoconception : pour aller plus loin 

● L’excellent livre « Ecoconception Web : les 115 bonnes pratiques » de Frédéric Bordage

L’ADEME, au contenu riche et didactique 

L’institut du Numérique Responsable

● L’initiative PlanetTech’Care 

● Le blog de Tristan Nitot, Standblog, où il y répertorie notamment sa série de podcasts Green IT intitulée « L’Octet Vert », pour laquelle le Directeur d’Astrakhan France a été interviewé.