Les missions du Chief Data Officer ou Head of Data peuvent parfois sembler floues. Son objectif principal est de valoriser la donnée, mais cet aspect peut paraître accessoire aux yeux d’autres services ou collaborateurs de l’entreprise. Il devient alors nécessaire pour le CDO de réorganiser l’ordre de priorité de ses objectifs afin de consolider et légitimer sa position. Et si, après tout, la priorité du Chief Data Officer n’était pas la donnée mais le client ?
La relation client, priorité des Chief Data Officers
Puisque la donnée prend une place incontournable dans l’écosystème des entreprises, celles-ci commencent à s’organiser en nommant des Chief Data Officer ou des Head of Data. A la lecture des fiches de poste, le périmètre semble plutôt clair, du moins sur le papier. Se pose toutefois la question du rayon d’action et des priorités. C’est le lot de nombre de fonctions transversales, et encore davantage celles nouvellement créées, que de manquer de poids vis-à-vis des directions opérationnelles, comme vis-à-vis de fonctions comme le marketing, relais de la stratégie, ou la Suppy Chain, pour n’en citer que deux. Tous sont concernés par l’optimisation des coûts et l’accroissement du chiffre d’affaires.
On se représente le/la Chief Data Officer évoluer de réunion en réunion pour sensibiliser à la qualité de la donnée, à l’identification des usages, au respect des normes, et recueillir une attention parfois intéressée, parfois juste polie, et pas toujours suivie d’effet. On peut penser que la vie de certains CDO ne sera pas toujours rose. Reste à s’imposer dans la durée. Ce type de fonction est parfois un sacerdoce et nécessite autant de créativité que du pugnacité.
On peut arguer que la valorisation de la donnée est le meilleur argument pour permettre au CDO de peser financièrement et de se comparer à ses homologues métier (avec, potentiellement le soutien d’un Chief Transformation Officer, dont un des rôles est notamment d’organiser la transversalité). C’est vrai, mais cela peut aussi ne pas suffire. Le CDO doit choisir ses combats, au risque de se disperser et de voire ses marges de manœuvre s’éroder.
Une idée serait de s’inspirer des jeunes pousses du monde des start-ups. Lorsque l’on observe leur business model, on s’aperçoit bien souvent que leur proposition de valeur unique les différencie des acteurs majeurs de leurs secteurs par le souci d’accroître la valeur apportée au client. Elles actent du fait que les grandes entreprises sont davantage soucieuses de leurs actionnaires et se recentrent, par nature, sur le client. Actrices du monde digital, elles s’appuient sur les données qu’elles possèdent ou qu’elles collectent pour maximiser cette valeur.
La digitalisation a d’abord été un phénomène de désintermédiarisation, caractérisé par des symboles comme Uber. C’est l’apogée du two-sided network, le « réseau à deux faces », qui voit son succès dans la mise en relation accélérée entre des fournisseurs d’un service et les consommateurs de ce service. On notera au passage que, d’ores et déjà, la relation client est au centre de ce modèle. Si les gens font appel à des services de VTC en ligne, c’est notamment par exaspération des modèles traditionnels, parfois à la limite du monopole, dont la qualité de service s’était globalement dégradée au fil des années. L’épée de Damoclès du Digital a conduit ces acteurs à aligner leur proposition de valeur en l’améliorant.
L’organisation Data-Centric est, elle, va s’occuper de maximiser encore davantage la valeur client. Maximiser la valeur de la donnée, c’est maximiser la valeur apportée au client, et cela peut constituer l’objectif ultime d’une organisation data-centric. Ce n’est pas la donnée qui est au centre, finalement. C’est le client.
Lorsque vous vous occupez d’auto-analyse ou d’auto-réparation d’un objet connecté en analysant et corrélant des millions d’événements, c’est pour éviter que votre client soit frustré par une panne.
Lorsque vous ciblez les produits d’assurance que vous proposez à des clients finaux sur un comparateur, c’est pour éviter de vendre des produits surdimensionnés à des clients qui ne pourront peut-être pas durablement se les offrir.
On peut lister ces sujets ad libitum.
Le suivi des demandes client (devis, support, SAV) et de la mesure de satisfaction de celui-ci entrent bien entendu dans ce périmètre, tout comme l’amélioration de la qualité de service. L’orientation Donnée, tout au long de la chaîne, veillera à faciliter la collecte et intégrera la capacité à émettre des recommandations pour anticiper les demandes du client.
Au passage, nous ne disons pas que les grandes entreprises se soucient peu de leurs clients. Nous disons plutôt que la logique de profits pour les actionnaires, combinée à la concurrence naturelle interne entre les départements d’une entreprise, peut conduire à ne pas rechercher l’optimisation de la valeur client, notion transverse sur laquelle tout le monde peut s’entendre. L’orientation donnée, par son universalité (elle concerne toute l’entreprise) et par sa transversalité (elle fait le lien entre les départements) sera légitimée par la quête de l’accroissement de la valeur client. Voilà un véritable axe de travail pour le Chief Digital Officer, qui entraîne finalement tous les autres dans sa course.